Arrivée dans cette ville qu’on oublie un peu trop souvent dans les voyages du Nord de l’Inde, alors qu’elle vaut carrément le détour ! Etape très enrichissante, sur l’Inde d’hier avec les Anglais, d’aujourd’hui mais surtout celle de demain, car l’Uttar Pradesh est l’Etat le plus peuplé d’Inde avec 167 millions d’habitants (Presque 3fois la France) et cette réserve miraculeuse d’électeurs pourrait bien modeler l’Inde politique du futur.
Le Lucknow d’hier était la capitale des nawab Shiites patrons des arts, danse, musique et cuisine. Ils se construisaient de magnifiques mosquées, tombeaux et mausolées, tous ornés de leur symbole ; 2 poissons sensés impressionner leurs sujets Hindous (Ouuuuh que ça fait peur !)
Le plus grandiose est le Bara Imambara, construit en 1780 par le Nawab Asaf-ud-Daula dans le cadre d’une politique de grands travaux. Avec Julie on se marre sur le labyrinthe Bhulbhulaiya « Ouais tu parles c’est quoi cette blague, c’est pas un labyrinthe ce truc, c’est trop easy, aucun sens de l’orientation ces pauvres Indiens… » Nos railleries fusent pendant 15minutes et puis après silence radio…on est perdues ! Où est le fil d’Ariane ? Tous les coins se ressemblent.
Partout où l’on passe, on retrouve les plafonds ornés de dizaines de lustres baroques, c’est dingue on se croirait chez Leroy Merlin, rien ne va ensemble. Mais moi j’aime bien.
On visite egalement d'autres monuments musulmans, Chota Imambara et Shah Najaf Imambara, ainsi que Sikandar Bagh, tous datant 19eme siècle et basée sur le même modèle: tombe, sauna, jardin, bassin, pots de fleurs, lustres.
Et ça qu'est ce que c'est ? Un massacre de cafards dans un coin ? Une vache scatophile? Non c'est juste l'état du patrimoine Indien en 2010, souillé de crachats de bétel. Et de plastique aussi.
Le Lucknow d’hier c’est aussi la Residency, le symbole de la couronne Britannique. Construit en 1800 pour le Résident British par le nawab local, elle est aujourd’hui le lieu de mémoire du siège de Lucknow, (qui fait suite à la fameuse révolte de Cipayes)qui dura 87 jours et fit 2000 morts en 1857. On y voit encore les impacts de balles et de boulets dans les murs de l’Eglise, de l’école, du cimetière. On parle souvent de ce siège comme « la première guerre d’indépendance contre les Anglais » et la formule figure en bonne place dans les cours d’histoire Indiens.
Enfin, fierté nationale oblige, petit détour par le College de La Martinière, un espèce de bouillon architectural imaginé par Claude Martin, Général au service de l’armée Française puis Anglaise et mort en 1800.( voir ici la très bonne série d'articles que lui ont consacré Olivia&Geoffroy) D’après la bibliothécaire, tout est resté en place selon la « volonté de mister Martin » Et est-ce que la correction au bâton fait aussi partie de cet héritage ?
Le Lucknow d’aujourd’hui peut se résumer en un seul nom : Mayawati, la chief minister de l’Uttar Pradesh. Issue de la caste des Dalits, c'est-à-dire des intouchables, elle brasse maintenant des millions et entretient avec soin le culte de sa personnalité. Non seulement des portraits d’elle sont placardés partout en ville, mais il est impossible de croiser un boulevard sans tomber sur une statue de cette femme qui ressemble à Mao avec un sac à main ! Pour son anniversaire, Mayawati est apparue en public avec une couronne tressée de billets de Rs 1000 , estimé à Rs 2 à 5 crores ce qui fait entre 35 000 et 87 000 €, tout cela provenant directement des dons de ses fidèles ! (voir source ici)
C’est Mayawati Land, et c’est glaçant, nous sommes dans la « plus grande démocratie du monde » et on se croirait en Corée, en Chine ou bien au Kurdistan.
Au nom de l’idéologie (et du bling bling constant dès qu'il y a de l'argent en Inde!) 60 élephants de grès, le symbole du parti politique de Mayawati, ont été construits dans le complexe. Cout de chaque éléphant : 12 000 €. Coût total du complexe, encore en construction, Rs 1,2 crores, soit presque 22 millions d’Euros. (source ici)
Quand on interroge notre chauffeur de rickshaw, Gautam, un brave garçon, il ne voit rien à redire à tout ça. Peut-être est-il lui même intouchable et fier que l’un des siens ait réussi, dans les affaires, dans la corruption et dans le scandale. Quoiqu’il en soit, la rumeur circule, Mayawati pourrait bien devenir la Prime Minister Indienne un jour…
Regardez bien cette photo, c’est la résidence-bunker de Mayawati « that crazy chief minister » comme nous dit gentiment la gérante de notre guesthouse, sa voisine. Depuis la terrasse on peut voir son QG, barbelé et férocement gardé. Au fond on aperçoit une énième statue d’elle accompagnée de son mentor. Si la photo est aussi mal prise c’est qu’on ne voulait pas se faire repérer par les dizaines de gardes armés postés sur les toits et les miradors.Au risque de me répéter, on se sent glacées par ce despotisme.
Et le Lucknow de demain c’est des shoppings mall géants qui poussent comme des champignons mais qui pour l’instant n’attirent pas assez de monde. On se sent seules dans notre Barista climatisé ! Dehors les familles entières mendient avec leurs bébés morveux au bras, et regardent passer les caddies pleins. Dans notre guesthouse 8 étudiants un peu paumés Americains passent 1an a Lucknow. Autant dire que c’est pas la fête au village et qu’ils ont un seul et unique bar qui sert de la bière. Ils bossent dans des ONG, dans des boites de compensation carbone ou bien dans des hopitaux. Toujours les mêmes contrastes et en repartant je tombe à la gare sur un livre de Barak Obama en Hindi.